1. La philosophie des Lumières
Les « Lumières » qui illuminent le XVIIIe siècle sont celles de la raison. Se réclamer des Lumières, c’est vouloir définitivement l’autonomie de la raison et refuser l’argument d’autorité. «Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières», écrit Kant en 1784 (Qu’est-ce que les Lumières ?). On a vu que cette devise de la liberté de penser a été formulée, dès le XVIIe siècle, par Descartes et Spinoza. La philosophie des Lumières va cependant généraliser cette indépendance et demander à la raison d’attaquer les préjugés de toutes sortes : religieux, moraux, sociaux ou politiques. Il ne s’agit plus seulement de reconnaître à la raison un domaine propre, mais d’en faire une arme de combat, au besoin contre la religion elle-même ou contre les institutions religieuses et politiques. L’aspect le plus caractéristique des Lumières est de concevoir un programme de lutte contre l’obscurantisme, la superstition et l’ignorance, une politique du savoir qui le rende public et véritablement universel. Tel est notamment le but de L’Encyclopédie dirigée par Diderot et d’Alembert.
2. La religion naturelle
La philosophie des Lumières n’est pas nécessairement athée et matérialiste (comme chez La Mettrie, Helvétius et parfois Diderot). En général, la cible principale des Lumières est moins l’idée de Dieu que les superstitions et les dogmes absurdes. D’où l’idée d’une religion naturelle. Celle-ci s’oppose aux religions positives, c’est-à-dire instituées et révélées, fondées sur la transmission aux hommes d’un message divin écrit et mystérieux. La religion naturelle prône, au contraire, un rapport immédiat à Dieu, sans l’intermédiaire du clergé (« naturelle » s’oppose ici à « artificielle »). Elle voit dans les lois de la nature, plus que dans un texte sacré, la présence de Dieu. Enfin, elle situe la piété non dans l’observance formelle des rites, mais dans le contenu moral de la religion (« naturelle » signifie donc aussi « rationnelle »).
3. La tolérance
La religion est aussi affaire de conscience. Il ne saurait donc être question d’imposer des dogmes. En un temps où les protestants, en France, subissent des persécutions, les Lumières revendiquent la tolérance, à l’exemple des combats de Voltaire contre les iniquités d’un pouvoir politique et judiciaire hostile aux protestants et aux libres-penseurs. En publiant ses Lettres sur la tolérance (1762), Voltaire suit l’exemple illustre de penseurs du siècle précédent, celui du libéral Locke et de Pierre Bayle, protestant français exilé en Hollande.
4. L’idée de progrès
Le XVIIIe siècle consacre l’idée de progrès. L’homme possède la perfectibilité. Le terme, fort en usage au XVIIIe siècle signifie que l’histoire a un sens, qu’elle est orientée vers la réalisation progressive d’une perfection (sauf pour Rousseau, qui voit dans cette disposition la possibilité pour l’homme de se perfectionner mais aussi de se corrompre). Dans le devenir historique, apparemment chaotique, s’accomplit, comme le dit Kant, la destination morale de l’homme.
Les Lumières témoignent ainsi, pour l’avenir de l’espèce humaine d’un optimisme certain (à l’exception notable, une fois encore, de Rousseau). Progrès moral et politique lié au progrès du savoir (Voltaire, Condorcet…), avènement historique de la liberté (Kant), progrès technique également, célébré par L’Encyclopédie qui revalorise les « arts mécaniques » par rapport aux « arts libéraux » du Moyen Âge: sur tous les plans, l’état futur de l’humanité est conçu, ou en tout cas espéré, comme un état meilleur.
D’où, également, l’importance que les Lumières attachent à l’éducation. Car éduquer, c’est concourir à cette humanité future meilleure. Il faut éduquer les enfants, dit Kant, de telle façon qu’on cherche non pas à reproduire en eux ce que nous sommes, mais en vue de l’idée de la perfection humaine (Réflexions sur l’éducation, 1803).
5. Le problème du fondement de l’État
La question du fondement de l’État est celle de sa légitimité. Qu’est-ce qui autorise le souverain (que celui-ci soit roi, assemblée aristocratique ou assemblée démocratique) à exercer sa souveraineté sur les membres du corps social? Qu’est-ce qui oblige ceux-ci à lui obéir? Il faut en effet distinguer l’obligation de la contrainte. La première est d’ordre moral. Elle s’impose même en l’absence d’une force physique capable de contraindre. Elle repose sur la reconnaissance d’un droit à commander et d’un devoir d’obéir.
La question est de savoir ce qui fonde ce droit. La philosophie politique du XVIIIe siècle répond à cette question en s’inscrivant dans le sillage de celle du XVIIe siècle: ce qui fonde en droit l’autorité politique, c’est le contrat social. Dans son livre Du contrat social (1762), Rousseau pose la question : à quelles conditions ce pacte social est-il juste? En désaccord avec Hobbes, il n’admet pas que le contrat entraîne la perte de la liberté des contractants. Or, le seul moyen de ne pas perdre cette liberté est l’égalité entre tous ceux qui concluent le pacte. Il faut renoncer à user librement des forces dont chacun dispose dans l’état de nature, mais, au contraire de ce qu’affirmé Hobbes, il n’est pas permis d’y renoncer au profit d’un tiers dès lors institué souverain. On ne peut y renoncer qu’au profit de la collectivité dont on est membre à égalité avec tous les autres.
Il en résulte que seule la volonté générale peut être légitimement souveraine, autrement dit que la seule souveraineté légitime est démocratique. Ainsi, seul le pouvoir législatif est souverain, puisque la volonté générale s’exprime par des lois.
Quelques grands noms:
Vico (1668-1744), Berkeley (1685-1758), Montesquieu (1689-1755), Hume (1711-1776), Rousseau (1712-1778), Diderot (1713-1784), Condillac (1714-1780), Kant (1724-1804)